SAFARI EN BALLON AU KENYA
"Dis maman, c'est quoi ce grand panier là ? "
"Ben c'est la nacelle voyons. Allez grimpe Linda ! "
"Hé maman, regarde la giraffe, elle nous espionne toujours ! "
Non loin derrière un buisson une giraffee semble fort intriguée par les derniers préparatifs du décollage ...
"Alors tu montes ? "
Avec souplesse Linda escalade la nacelle et atterrit dans mon compartiement . Les autres passagers embarquent un à un jusqu'à une petite grand'mère qui passe des bras d'Alain dans les miens. Tandis que je la dépose doucement dans la nacelle, elle me regarde avec des grands yeux bleux pleins de malices et de vie.
J'effectue une dernière check list puis j'actionne les deux bruleurs à la fois. Le gaz rugit et s'embrase violemment. Sous l'effet de l'air chauffé à 100° la pesanteur disparaît peu à peu. Nous quittons le plancher des vaches. (Je devrais plutôt dire le plancher des buffles).
Gaz coupés maintenant, le ballon s'élève en silence sur l'énergie acquise. L'horizon recule, s'élargit, nous volons!
Là bas la rivière Mara suit son cours sinueux dans les brumes éparses du matin. Très vite le vent d'altitude nous saisit et nous pousse doucement au dessus de Mara Serena Lodge. Une foule ébahie aglutinée à la terrasse nous regarde.
"Hello , how are you there ? "
"We are fine and you ? "
Mais déjà les toits défilent à quelques mètres au dessous. Un spectacle à vous couper le souffle apparaît : la grande plaine africaine s'étend devant nous, couverte jusqu'à perte de vue de milliers de gnous. Vide ou presque hier encore, les verdoyantes terres du Mara sont maintenant envahies.
La longue tranhumance des migrations séculaires s'accomplit ainsi chaque année au rythme régulier des saisons.
Entre deux coups de bruleurs, émane de la terre un bruit de bergerie indescriptible. Le vent accélère et le sol défile plus vite. Nous dérivons à une centaine de mètres d'altitude. A bord personne ne parle. Mes passagers sont complètement subjugés par le spectacle. A la vue d'une petite colline qui se rapproche, j'amorce une descente afin de profiter derrière du dévent pour ralentir un instant.
Le sol "monte" vers nous, les gnous se lancent alors dans une course folle. "Maman ! c'est pleins de gnous, qu'est ce qu'ils courrent vite ! "
Dans une nuée de poussière, une marée de cornes et de têtes défile à un ou deux mètres sous la nacelle; les appariels photos mitraillent. Au loin sans jamais s'arêter, le troupeau semble se séparer, laissant apparaître au centre un ilôt de verdure parsemé de taches jaunes
Un coup d'oeil au travers des jumelles me confirme ce que je pensais. Ces taches sont des lions et le vent nous pousse droit vers eux !
La migration entraine à sa suite une multitude de prédateurs. Ceux ci maintenant visibles à l'oeil nu sont occupés par leur festin et ne s'inquiètent même pas de cette boule énorme, notre ballon, qui s'approche et qui semble vouloir les écraser.
Prudemment, je reprends un peu d'altitude et nous passons à quelques mètres en silence. Surpris par un petit "coup" de bruleur un jeune lion retire sa tête complètemennt enfouie dans le ventre d'un buffle et retourne vers nous son mufle ensanglanté. Des petits jouent comme des chats avec des lambeaux de chair tandis que leur mère, totalement avachie, gavée de viande et ivre de sang respire avec peine.
Au dessus du festin, les vautours rappliquent des quatres coins de l'horizon et attendent leur tour en décrivant dans le ciel une spirale serré. Un peu plus loin, les hyènes et les chacals attendent aussi avec impatience. Dans la savane africaine, le "service de nettoyage" est remarquablement organisé. Demain, les fourmis rouges ne laisseront plus que des os qui blanchiront au soleil....
Notre bulle d'air chaud dérive avec sérénité au gré des vents. Son ombre nous précède et courre sur le sol, recouvrant parfois des groupes entier d'animaux.
J'établi alors un contact radio avec la voiture de "retrouving" :
- " de Thompson's Gazelle, voiture de retrouving me recevez vous ? "
- " Nous te recevons 5/5 over "
- " continuez en direction de Keekorok Lodge . Le vent accélère, j'atterrirai dans une vingtaine de minutes "
- " Bien compris over and out ! "
Linda attire notre attention sur un groupe de giraffes qui nous regardent passer avec étonnement. Leurs yeux ont quelque chose de féminin avec leurs longs cils qui s'ouvrent et se referment avec une lenteur que l'on pourait croire calculée.
- " Maman regarde les giraffes, elles ressemblent aux grandes dames dans les salons de thé du 16ème à Paris ! "
Nous trouvant sans doute trop entreprenants, elles s'écartent nonchalament avec beaucoup de dignité.
" Tu sais Linda, on appelle souvent les giraffes les miradors de la savane. Leur tête haut perchée leur permet de voir mieux, plus vite et plus loin que les gazelles perudue dans les hautes herbes. Au moindre signal de danger , elles donnent l'alerte et tout le monde détale sans demander son reste..."
Le rêve continue; sous les coups alternés du bruleur, nous flottons dans la masse d'air. Le décor grandiose est un véritable paradis. Nous survolons maintenant la rivière Talek, bordée d'une forêt très dense. Trente mètres au dessus des arbres, nous "courrons" à une dizaine de noeuds (18 km/heure). La rivière s'étalle en de larges méandres par endroits la berge ne sépare que de quelques mètres deux parties du cours d'eau, formant ainsi dans le méandre une étonnante presqu'ile.
" Regardez ! c'est pleins d'hippos !"
J'ouvre la fenêtre de pilotage : le ballon s'enfonce dans une trouée d'arbres. Les branches défilent très près. A l'abri du vent maintenant nous ralentissons et des feuilles caressent le fond de la nacelle. Des cris stridents éclatent à notre droite. Dans un arbre voisin, une bande de babouins tapageurs évacuent les lieux en quatrième vitesse. La végétation s'agite et des touffes de poils s'égayent dans tous les sens. Perché sur une branche un vieux mâle nous regarde passer d'un air stoïque. Sa pose n'est pas sans rappeler une sculpture célèbre de Rhodin...
L'eau se rapproche. Le ballon court sur son aire et s'arrête. Nous sommes maintenant à trois ou quatre mètres au dessus des hippos. Leurs ébats pachydermiques brassent des tonnes d'eau. Une petite tête émerge, des yeux globuleux nous observent puis disparaissent sous la surface.
Quelqu'un à bord imite leur grognement et déclenche en bas une panique insensée. Dans un éclat de rire général nous reprenons de l'altitude , du vent et de la vitesse. Pour jouer à saute mouton au dessus des branches. Le pilotage entre, ou au ras des arbres me procure un plaisir intense. Un jour je volais sur cette forêt, je suis tombé en "panne" de vent à une centaine de mètres de la plaine ouverte. Constatant que ma provision de gaz s'épuisait, je ne trouvais rien de mieux que de poser la nacelle sur la rivière en maintenant le poids du ballon en équilibre sur l'eau. Le courant nous déhala dans la bonne direction au grand plaisir étonné et surpris des passagers. Malgré un bon bain de pieds rafraichissant, nous avons tous apprécié cette parties de ballon canoé....
.... le vol se poursuit. Posés sur une branche, des vautours et des marabouts, ailes déployées exposent leurs plumes à la chaleur naissante du soleil matinal.
" Regardez, ils font sécher leur linge ! "
Linda est émerveillée devant un tel spectacle. Au débouché d'un méandre nous surprenons un troupeau d'éléphants. La moitié du groupe s'adonne déjà à des ébats aquatiques : douches, bains de boue, rafraichissements . Une autre partie joue au tobogan sur la berge inclinée. Le reste de la troupe attend son tour. La surprise est totale. Nous survolons à un mètre d'altitude un espace dégagé de la berge opposée. De l'autre côté, un gros "pépère" secoue sa tête, flappe des oreilles dans un nuage de poussière et lance sa trompe en l'air en sonnant une charge de retraite avec un barissement caverneux. L'effet de panique est des plus commique sur ces gros pachydermes empétrés dans leur délicate opération de glissade. L'inclinaison et la nature du terrain ne leur permet pas de descendre sur quatre pattes. Alors, c'est à qui glissera sur le flan, sur le ventre et les genoux en laissant trainer l'arrière train. Une vingtaine d'entre eux détalent en catastrophe donnant l'impression que leur masse sur des pattes trop courtes les gêne. Pourtant leur vitesse est tout à fait étonnante et ils disparaissent très vite dans le bush (prononcez boushe... forêt).
L'enchantement du vol se poursuit. Le soleil et le jour ont pris possession de notre univers. A petits coups de bruleurs je maintiens le niveau de vol le plus bas possible. A haute altitude la direction du vent nous emmènerait vers la droite alors que nous voulons aller vers la gauche. Dans notre nacelle, la vie prend une toute autre dimension. Les notions d'espace et de temps effectuent en nous une étrange mutation. Dans cette partie du monde la vie et la mort se cotoient avec un contraste étonnant de simplicité. La nature s'étale sans pudeur à notre regards...
Un vent de plus en plus fort nous pousse vers la frontière Tanzanienne qui se rapproche rapidement. Nous devons atterrir comme prévu sur la route de Keekorock.
" ALain me reçois tu ? "
" 5 sur 5 over "
" je vais me poser ... "
Comme convenu lors du briefing avant le décollage, les passagers se préparent et s'acroupissent au fond de la nacelle dans le sens de la marche.
Le sol défile très vite. Là bas à 200 ou 300 mètres il y a un espace ouvert sans arbres. Pour le moment nous survolons un terrain rocailleux jonché de bois morts. Mes passagers sont un peu nerveux. Pourtant Linda et la petite grand'mère me regardent confiantes et me font un large sourire. Je ne dis rien mais je pense que cette fois ci va être ... "Verdun" ...
Le terrain choisit approche, nous sommes à une trentaine de mètres d'altitude. Un arbre gène l'approche en entrée de "piste". Il faudra jouer au plus serré . J'ouvre la fenêtre de pilotage et compte tout haut 6 secondes. L'effet de l'air chaud qui s'échappe se fait sentir avec un certain retard. Nous descendons encore. Le fond de la nacelle affleure les branches . Le champ s'aligne droit devant nous. Le sol "monte" encore. La voiture de retrouving arrive à notre poursuite. Les hommes d'équipage sautent, courent et essayent de nous intercepter. Des zèbres s'échappent dans tous les sens et l'herbe défile ...
- Veilleuse n° 1 off
- Vanne n° 1 off
- Veilleuse n° 2 off
Je maintiens encore la flamme en vie à petits coups de bruleurs afin de controler au maximum l'angle d'attaque de la nacelle avec la terre. Le contact est imminent.
- Vanne n° 2 off.
Bien calé je tire à fond la corde d'ouverture au sommet du ballon. Le contact avec le sol est brutal. J'embraque à la volée des grandes brassées de corde et le velcro au sommet du ballon se déchire doucement. L'air chaud s'échappe et notre aérostat perd sa puissance. La nacelle traine sur la terre et l'équipe au sol nous agrippe et rajoute son poids à notre atelage? La poussière vole. Pour tranquiliser les passagers je ne trouve rien d'autre que de chanter la Marseillaise !
Nous sommes trainés par 1000 mètres carrés de toile, l'univers bascule ! la nacelle s'est couchée sur le côté mais l'osier tressé qui nous protège absorbe tous les chocs.
Linda s'amuse follement. Dans le compartiment des passagers, c'est le remue ménage puis la voilure claque et finit par s'aplatir . Tout s'arrête, le calme s'installe. Je retrouve ma petite grand'mère toujours souriante installée assise sur tous les autres passagers. Elle enserre avec ferveur la tête d'un américain qui roule des gros yeux ronds. Tout le monde est sens dessus dessous et les commentaires en anglais vont bon train. Un verre de champagne nous attend au sortir de ce "meli melo". Les visages ravis s'éclairent. Tout le monde parle, rie , commente l'aventure.
Le petit déjeuner pic nic sur l'herbe est servit et nous trinquons au champagne sous les regards curieux des zèbres et des gazelles qui s'éloignent avec un air pas convaincu.
Texte par ALAIN GUILLOU
BALLOON SAFARIS
This is the story of the first balloon flight done by Alain Guillou over the Masaï Mara Game Reserve
- "You don't mind we are going to fly in this weather ? "
- "There is a hull, let's make the words. Everyone has been waitin days for this"
- "Yes but in a very short time the wond could pick up " ...
... the rainbow colors of the "Thompson's Gazelle " balloon contrast with the stormy dark clouds. Having left Serena Lodge the wind takes us at altitude in the opposite direction to the one we has expected. We flew over the Mara River and headed towards the Governor's Camp zone.
Neither Alain nor me have a great experience of Africa. But according to the map and what we can see it will take at least 3 hours for the recovery car to find us after the landing. Occasionaly the burner (heater) above our heads spit out flammes and produces the severak million kilocalories necessary for the heating of the oar wich maintain the flight.
For several days, we have been hanging around Serena Lodge fighting with a large number of technical problems. Everyone is getting impatient and the management of the hotel finally wonder if these "Frogs" know how to fly a balloon...
... we are a little bit worry in this basket. The ink on our pilot license is still wet. However my past experiences flying hang glider go through my mind and help me to realise the precarious nature of our situation.
Why have I let myself in for here ? ... Serena Lodge is now just a small point on the horizon.
- Hey ! Alain look at this terrain. It is full of trees and rocks. If we don't land now, we won't find another place for at least half an hour. This big thunderstorm will probably catch us first. Let us land as soon as we can.
- " Ok, we will land."
Alain start the descent. The ground gets closer. The savanna strehles out beneath our feet. Our field of vision becomes more earthbound.
- " Look " !
- " God ! it's full of lions "
- " They are at least twenty ! "
We look at each other completely horified.
- " We didn't expected that ! "
What a dilemma. Land now in the middle of the lions or fly further and run into the storm ? Knowing very well the possible effect of the later; I decided we might have more chances with the lions. The wind speed increased slightly. The balloon accelerated and we hold our breath with this fear well known by baloonists.
Alain hesitated.
- "Land ! , they are less risks from the lions "
- "Hey look they have a lot of baby lions"
- "Let us land , if we wait, we are more likely to crash in the storm "
- " Ok "
A slightly similar situation happened to me last year hang gliding. But then, they were three cars to escape of the lionesses. The landing manoeuvra take place without any problem. The ground gets closer again.
Fifty meters away the lions fly in every directions surprised at the hudge size of " Thompson's Gazelle balloon " wich seems to want to crush them.
- "Look ! they are going away ! "
- "Pull the red line, pull ! "
By pulling on the rope, at the top of the balloon the safety hooks are loosened. The "velcro" tape is pulled apart and the balloon open up. We drag along the ground. The balloon collapses, pull the basket onto its side and at the end stop dragging. The lions are around us everywhere about hundred meters away looking at us.
- "Look, what shall we do ? "
A strange sort of fever grips us. We are galvanised by fear.
- " Get the gas tank . We will make a baricade in front of the basket"
- " Take the Very pistol " (rocket launcher)
- " Connect the gas pipe on again and light the pilot flame. The burner eventually will keep them away ."
We contact Serena Lodge by radio to ask them to call Governor's Camp.
- " Serena do you read over ?"
- " Reading you 5 over "
- " We are having a nice party with some lions after landing. Call Governor's Camp and tell them to send a car as fast as possible over "
- " Roger, w'll do that for you over"
- " Thanks, over and out "
A short distance away the head of the big cats with their round hears can be seen above the grass. I fix upon one with my binoculars. Yellow eyes stare at us. We search the horizon desespairingly looking for a car. However, after a while, we realise that these lions don't seems particulary agressifs. Later, our experience in the bush will confirm that lions don't like the smell of man and the sound of his voice. Several time, working, travelling through the game reserve, we observe this.
A wild animal living in its natural habitat generally only attack to defend itself when it feels trapped and think it cannot escape. There we realise that the danger is not so important. It is just curiosity wich attracts these lions and they won't pass a certain limit. Our moral goes up and we even ventured out of the safety of the basket.
Our enthusiasm for this first sucessfull african flight pick up and we start a sort of indian war dance wich free us from the tension of the previous months.
The first gust of wind takes us by surprise with its strenght and suddenness. The fabric of the balloon bursts into life again and we have to struggle to get it quickly back into its bag before the worst moment of the storm is upon us and tear apart "Thomson's Gazelle"
This work leaves us exhausted. We sat down in the bottom of the basket taking sheter from a downpoor of incredible violence.
Alain gets out a bottle of champagne from his bag and in the best aerostatique tradition we celebrate our first flight in Africa. One we had waited for so long after months of incertitude and hard work.
Air Libre Sarl is now an Air Charter Cie. The operations have been going for more that five years, first with one balloon, then with two, three and for balloons of an increased capacity of ten passengers per flight and per balloon. But for us, this first flight will remain an unforgetable memory.
Flight procedures have improved considerabely since that day and our passengers nowaday can enjoy the champagne breakfast wich is served to them after landing in complete serenity.
Copyright : Alain GUILLOU.
Alain Guillou published his reports in numerous international magazines : Paris Match, Stern, Bunte, Life, National Geographic, Sunday Time, Etc ... , in Japan, Europe, North and South America, South Africa, South East Asia and Australia.