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LES NOUVEAUX AVENTURIERS

"Alain Guillou est un de ceux qui ont donné leurs lettres de noblesse à l'aventure en images"

Il est un rêve que le petit monde de la photo professionnelle nourrit secrètement: faire un jour partie du cercle très fermé des photographes Leicaistes.

Alain Guillou peut s'enorgueillir d'y être parvenu. Depuis Le Croisic,où il a élu domicile, il collabore avec les rédactions des magazines les plus prestigieux. Stern, Vogue, The National Geographic, Life, Sunday Times nousont fait découvrir ses photos aériennes. Des angles de prises de vues qui paraissentimprenables, des compositions incroyables, rien de ce qui peut être vu du cielou composé dans I'espace ne lui échappe.

Alain Guillou, spécialiste des sujetsaventure et people , n'en revient pas lui-même. Alors qu'il visitait le Japon en suivant Malcolm Forbes, le P.D.G. de Canon, voyant son Leica, lui a fait cette confession étonnante:«C'est le meilleur appareil au monde, j'en ai un. » Des choses surprenantesqu'il a pu voir ou entendre, il retient aussi sa rencontre avec le Magnat Forbes. dans son château-musée de Balleroy en Normandie. Tous deux passionnés de ballon, ils s'accordent sur la même thèse: ce sport peu pratiqué est un formidable outil d'action et de communication.

Sa passion pour la photographie est ancienne. A 1 2 ans, alors qu'il partait en pélerinage à Lourdes, sa grand-mère lui confia une enveloppe à n'ouvrir qu'en cas d'impérieuse nécessité. I I ne put s'empêcher de la décacheter pour aller s'offrir son premier appareil photo. Dans la foulée il réalisait son premier reportage.

C'est au Kenya, où il participe à I'organisation de safaris en ballon, qu'il emprunte la voie de la photo professionnelle. Il dispose d'un bon sujet qui lui permet de développer un sens journalistique qu'il n'avait pas jusqu'alors.Il commence par se faire prêter I'appareil adéquat; dès que sa trésorerie le lui permet, il en achète un. Une fois rentré en France, il effectue une sélection de ses 30 ou 40 meilleurs clichés pour les placer. En 1979, le magazine La Vie lui commande un reportage qui lui permet de démarrer. C'est le premier d'une série qui en compte plus de 200 aujourd'hui; une moyenne de parutions de 8 à 10 pages chaque fois. En 1980, il sort d'une « période de galère» comme il la qualifie lui-même, grâce à son reportage sur deux Indiens que lui a commandé New Look. La même année, il rencontre Forbes. Pourtant, jusqu'en 1983 - 1984, le «people-aventure» n'est pas très couru dans la presse « magazine »; Paris-Match et le Figaro Magazine lui refusent par trois fois un sujet qui, depuis, a fait plusieurs centaines de fois le tour de la planète.

Pionnier du deltaplane, Alain Guillou fait partie de cette centaine d'hommes à qui l'on doit le renouveau de I'aventure. Dès 1974, il commence à collectionner des « records ». Il est le premier à survoler I'Etna en éruption avec une aile Delta, le premier aussi à se faire lacher d'un ballon pour immortaliser le Kenya sous un angle neuf. Toutefois, il ne considère pas que I'aventure doive forcément I'emporter à I'autre bout du monde. La manière dont il a traité son sujet de la Tour Eiffel en est la meilleure preuve : avoir réussi une prise de vue de ce monument de Iégende à sa verticale la plus parfaite !

Il a ainsi découvert que face à un sujet mille fois repris, il existe toujours quelque chose de nouveau à apporter. « Il suffit de voir que I'herbe n'est pas plus verte ailleurs. Et qu'il y a des trésors visuels partout », explique-t-il. Ainsi s'est-ilintéressé à « La Marine nationale suédoise », « La Tourraine » ou «Venise classique sous la neige ».

Du fait que sa femme Ewa, est Polonaise (il l'a rencontrée entre deux avions à Orly), il a passé un an dans ce pays, pour le photographier dans son quotidien le plus profond. Néanmoins, il conserve cette appréhension que précède chaque reportage. Même s'il reconnait qu'en bourlinguant il a acquis des réflexes professionnels et de I'expérience, il s'interroge toujours sur les possibilités d'expression artistique et journalistique dont il faudra faire preuve au moment de la réalisation.

Alain analyse sa vie et sa façon de vivre comme un équilibre entre l'art et son côté mercantile : il est parvenu à chasser de son esprit tous les faux problèmes intellectuels.

Si I'aventure est à ses yeux un phénomène social et un révélateur du besoin qu'ont les gens de s'offrir des loisirs insolites, elle estaussi une nécessité profonde et personnelle. Mais comme le fait remarquer Alain Guillou, il faut prendre gardeà certains dangers de ce phénomène. Il est en effet important d'avoir envie de faire des choses, mais la démocratisation à outrance de I'aventure doit être considérée avec une certaine méfiance. Par ailleurs, Alain Guillou estime qu'en bénéficiant de trop de facilités au départ, on n'est pas forcément avantagé pour la suite des choses. De tout ce qu'il a pu faire et de toutes les péripéties qu'il a connues, il ne garde pas de réel mauvais souvenir. Seule une vieille anecdote, qui le fait maintenant sourire I'a franchement agacé à I'époque: alors qu'il embarquait à bord d'un appareil d'une célèbre compagnie aérienne britannique, I'équipage a refusé d'admettre que la fragilité de son matériel puisse nécessiter un voyage dans la cabine, le transport de I'équipement d'un photographe n'étant qu'un vulgaire fret, comme le reste. Depuis, il ne voyage plus sur cette compagnie... et négocie toujours au préalable cette délicate question.

Pour I'heure, ses prochains projets concernent la mer et les voiliers. Avec I'idée constante de concevoir ses reportages au travers de mises en scène sur le vif : Alain Guillou préfère la mise en scène à I'improvisation car cette dernière ne donnepas toujours la qualité attendue. Il n'hésite donc pas à recréer la scène autant de fois que cela lui parait nécessaire pour obtenir la bonne prise.

Pragmatique, Alain Guillou, qui arrive parfaitement à combiner plaisir et travail,n'oublie jamais que le nerf de la guerre réside dans sa parfaite collaboration avec Leica. Au point que dans la période environnant la sortie d'un nouveau boitier ou d'un nouvel objectif de la firme allemande, il a toujours sur lui une fiche d'observation concernant l'appareil.

N'oubliez pas qu'il est un des rares membres du club très fermé de ceux qui testent le comportement technique de ces prestigieux appareils.

Article par ALAlN DELOOSE